Évaluation professionnelle : l’auto-évaluation des salariés est-elle licite ?
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Évaluation professionnelle : l’auto-évaluation des salariés est-elle licite ?
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Évaluation professionnelle : l’auto-évaluation des salariés est-elle licite ? Évaluation professionnelle : l’auto-évaluation des salariés est-elle licite ? L’évaluation professionnelle d’un salarié relève du pouvoir de direction de son employeur, l’exercice de ce pouvoir étant déterminé par les dispositions légales et conventionnelles. Ainsi, l’article L 1222-2 du code du travail énonce : « les informations demandées au salarié doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes ». L’article L 1222-3 ajoute : « le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard. Les résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques d’évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie » L’article 36 de la convention collective des banques stipule : « Chaque salarié bénéficie, au moins une fois tous les deux ans, d’une évaluation professionnelle. L’évaluation professionnelle est un acte important de la gestion des ressources humaines: elle doit permettre d’analyser objectivement l’adéquation entre les exigences du poste, les compétences mises en oeuvre par le salarié et les moyens alloués par l’entreprise ; elle permet d’apprécier les performances du salarié elle permet également de suivre l’évolution de la qualification professionnelle du salarié, de son parcours professionnel et de son positionnement dans la classification ; elle s’appuie sur des critères d’appréciation que l’entreprise a définis et qui sont connus du salarié. Ces critères correspondent au domaine d’activité et de responsabilité du salarié ; elle porte sur l’ensemble de la période écoulée depuis l’évaluation précédente et permet d’exprimer les attentes de l’entreprise pour la période à venir ; ses modalités sont déterminées dans chaque entreprise. L’évaluation fait l’objet d’un entretien, programmé à l’avance pour en permettre la préparation, entre le salarié et son responsable. Au cours de cet entretien, chacun est amené à exprimer son point de vue. Les besoins de formation du salarié et ses attentes en matière d’évolution professionnelle sont aussi abordés prioritairement à cette occasion. L’évaluation est formalisée par un écrit que le salarié doit viser pour prendre acte de sa communication. Pour ce faire il dispose d’un délai de 48 heures. Il peut y inscrire ses observations. Un exemplaire de cet écrit est remis au salarié. Le responsable des ressources humaines en est informé selon les règles et les modalités en vigueur dans l’entreprise. » La procédure d’évaluation annuelle, pratiquée par la société GE MONEY BANK est ainsi conçue : le salarié se livre à une autoévaluation électronique, des résultats quantitatifs de son travail et des moyens qu’il a déployés pour les atteindre, cette autoévaluation est faite à partir de formulaires élaborés par la société -cette dernière rappelant, avec insistance dans ses conclusions, que l’autoévaluation est facultative pour le salarié puis, en regard de cette autoévaluation, le « manager », responsable direct du salarié, fait sa propre évaluation sur la base des mêmes critères que ceux utilisés par le salarié et son propre manager relit ses appréciations sur l’intéressé les formulaires ainsi remplis par le manager sont remis au salarié, au moins 48 heures avant l’entretien préalable qui se tient entre eux deux à l’issue de cet entretien, le manager peut modifier l’évaluation écrite préalable à celle-ci et le salarié peut, de même, demander la modification de cette évaluation ou apporter tout commentaire qu’il estime utile la clôture de la procédure est décidée par le salarié, lorsqu’il estime celle-ci, achevée le salarié dispose d’un recours pour contester son évaluation devant son N + 2 ou un responsable des ressources humaines Le Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail de la société GENERAL ELECTRIC MONEY BANK, la FEDERATION DES BANQUES ET DES ASSURANCES CFDT et le Syndicat NATIONAL DE LA BANQUE (SNB) CFE-CGC ont contesté le principe même d’une autoévaluation Pour la Cour d’appel de Versailles, il résulte des dispositions légales et conventionnelles susvisées que l’évaluation est un pouvoir licite qu’exerce l’employeur sur son salarié, issu de son pouvoir de direction : Les modalités de cette évaluation ne sont pas précisées par ces textes, l’article 36 de la convention collective des banques, ajoutant même qu’elles relèvent de chaque entreprise ; qu’en définitive , les seules obligations pour l’employeur qui se dégagent de ces dispositions ont trait essentiellement au caractère contradictoire et loyal de l’évaluation -dont le mécanisme doit être connu du salarié- aux critères qui servent à l’évaluation -en rapport exclusivement avec les aptitudes et le travail du salarié- à un entretien du salarié avec son responsable au cours duquel les besoins de formation du salarié et ses attentes en matière d’évolution professionnelle sont abordés prioritairement à un écrit, signé par le salarié, qui « formalise » l’évaluation et sur lequel le salarié peut apporter ses observations. Aucune des dispositions régissant la matière ne proscrit l’implication du salarié dans son évaluation, par sa propre appréciation des résultats qu’il a atteints et des conditions dans lesquelles il est parvenu à ces résultats ; qu’elle apparaît, en outre, comme une occasion et un moyen pour le salarié de faire état solennellement des difficultés qu’il a rencontrées et de ses besoins pour l’avenir. Les intimés prétendent, à tort, que la procédure en vigueur au sein de la société GE MONEY BANK ne permettrait pas au salarié d’exposer ses critiques sur « les moyens alloués », alors que précisément l’autoévaluation lui en offre l’occasion, pour le cas où l’employeur ne prendrait pas ceux-ci en considération. L’autoévaluation – au demeurant, facultative pour le salarié, même si elle paraît fréquemment adoptée – ne s’avère, en conséquence, contraire ni aux dispositions législatives , ni aux dispositions conventionnelles. De même, si l’article 36 de la convention collective prévoit que l’évaluation doit donner lieu à un entretien et à un écrit, ces dispositions ne sont nullement incompatibles avec la façon dont la société GE MONEY BANK organise sa procédure d’évaluation. Il importe peu, dès lors, que l’entretien soit, ou non, préalable à l’évaluation écrite qui est établie, d’abord, par le salarié (autoévaluation) puis, par son responsable ; que cette procédure répond aux exigences légales et conventionnelles, allant même au-delà, en prévoyant un recours contre l’évaluation définitive qui ne figure pas parmi les conditions définies par ces textes. A cet égard, la Cour d’appel de Versailles ne partage pas complètement l’avis des premiers juges, selon lequel ce recours serait totalement vain, puisque formé devant le responsable du responsable du salarié. En effet, tout d’abord, ce recours peut aussi être dirigé auprès d’une personne des services de ressources humaines qui n’a pas connu, à l’origine, de l’évaluation contestée ; ensuite, c’est un procès d’intention fait au responsable du salarié, quant à sa liberté d’évaluation par rapport à son propre supérieur, de présumer, comme le font les intimés et le tribunal, que ce responsable se laisserait ainsi dicter son évaluation. Un élément peut, il est vrai, ne pas correspondre aux exigences légales de transparence que la société GE MONEY BANK affirme pourtant s’attacher à respecter -il s’agit de la communication au salarié de l’évaluation de son responsable ; que les écritures et pièces aux débats ne permettent pas à la cour de s’assurer qu’effectivement le salarié dispose bien des deux évaluations (de son N+1 et de son N + 2), comme il le doit – tant, pour respecter l’article 36 précité qui n’évoque que la relation entre le salarié et son responsable, que pour satisfaire au souci de loyauté et de transparence de l’employeur qui doit entourer la procédure d’évaluation. Cette dernière réserve ne saurait, pour autant, emporter l’annulation du système d’évaluation puisqu’aussi bien, dans un service hiérarchisé il est concevable -sauf, une fois encore, à procéder par a priori- que ce soit le chef de service auquel appartient le responsable du salarié, qui supervise, en dernière analyse, l’évaluation faite par celui-ci. En tant que de besoin, la Cour d’appel de Versailles a seulement prescrit, pour l’avenir, à la société GE MONEY BANK d’adresser au salarié, avant l’entretien d’évaluation, non seulement, l’évaluation de son N+2, mais également celle faite par son N + 1. La procédure d’évaluation critiquée n’apparaît donc pas illicite pour la Cour d’appel de Versailles. Cour d’appel de Versailles, 19 décembre 2014 n° 13/03952